Après Arsac, Le Pian-Médoc et Macau, l’enquête d’inventaire de Ludon-Médoc s’achève. C’est une commune peuplée, soumise à la pression immobilière venue de Bordeaux. Cette proximité de la capitale aquitaine et son regard sur la Garonne ont joué un rôle intéressant dans l’évolution du bâti comme dans sa structure. Son paysage essentiellement viticole à l’ouest tranche avec les zones marécageuses des bords de fleuve.
Au total, plus de 150 édifices ont été recensés, de l’église aux châteaux viticoles, de la ferme aux bâtiments municipaux. L’occasion de parcourir, du Moyen Âge à nos jours, les richesses et la diversité patrimoniales de cette commune du sud médoc.
Très peu de monuments de l’époque médiévale sont conservés sur l’estuaire de la Gironde, dans le Médoc en particulier, la commune de Ludon-Médoc ne faisant pas exception.
L’église Saint-Martin dispose de son emprise d’origine, la nef a gardé d’anciens chapiteaux romans dont un fleurdelisé.
Des sarcophages, vraisemblablement antérieurs au 8e siècle, ont été découverts dans les années 1930 au pied du mur latéral nord où ils sont toujours visibles. Le reste du bourg, qui devait autrefois s’organiser autour de l’église, n’a conservé aucun élément de cette époque.
Le château d’Agassac est un des rares exemples de l’architecture castrale sur le territoire. Campé sur une levée de terre (motte) et entouré de fossés en eau, il hérite d’un plan quadrangulaire à quatre tours d’angle. Sur chacune d’elles, des éléments défensifs comme les archères cruciformes à étriers précisent une datation du milieu du 14e siècle.On retrouve des actes prouvant la participation des seigneurs d’Agassac à la guerre de Cent Ans, dans le camp anglais. Après les conflits, le château est reconstruit sous François Ier par la famille Dussault.
Le 18e siècle est incontestablement une période de renouveau pour la commune. En effet, plusieurs demeures, bien souvent au centre d’un domaine viticole, sont construites. Ces ensembles sont visibles en écart ou même au cœur du village.
Château La Lagune
C’est le trésorier de France et conseiller au Parlement de Bordeaux Jean-François de Lavaud qui décide de faire construire le domaine à partir de 1730. Formée d’un corps de logis en rez-de-chaussée surélevé, la demeure domine au sud une cour de communs matérialisée par deux ailes basses en retour. Les travées ordonnancées accentuent l’effet massé du bâtiment dont les façades ont un décor minimal.L’accès au vestibule se fait par un escalier en fer à cheval au sud et par une terrasse ou plateforme au nord.
La réflexion sur la symétrie a déterminé le placement du bâtiment et de ses abords. Un axe nord-sud traverse la demeure en son centre : au nord, la terrasse offre des vues sur une longue allée bordée de vignes, au sud, la cour d’honneur se prolonge par les deux portails du jardin clos. Une seconde cour à l’ouest s’organise autour du cuvier-chai et d’autres dépendances qui ferment l’espace au sud. Le passage de cet espace à la cour principale se fait par un portail ouvragé surmonté d’un oculus.
Château Bacalan
La maison noble de Cazalet est attestée dès le 16e siècle à cet emplacement et résulte d’une division du domaine d’Agassac entre les frères Dussault. En 1738, l’avocat au Parlement de Bordeaux Joseph de Bacalan achète ce bien composé d’une simple « maison » avec dépendances à François de Sarran. Il devient jurat en 1740. Au sommet de sa carrière, peut-être choisi-t-il de confier à un architecte de la place bordelaise le soin d’édifier sa demeure. Le plan allongé respecte l’ordonnancement classique que l’on retrouve à La Lagune. Un détail intéressant consiste au biaisement des piliers du portail d’entrée pour répondre à l’axe de la rue. Dès lors et depuis la rue, le passant croit voir le château de face alors qu’il est bel et bien décalé.
Château Nexon-Lemoine
De dimensions plus modestes que Bacalan et La Lagune, la construction du château Nexon-Lemoine est difficile à dater car ses façades ne sont pas homogènes. Au début du 18e siècle, la famille Lemoine, d’une lignée de la haute magistrature libournaise, achète le domaine appelé de Dodin.
Il s’agit en fait d’une ancienne maison noble construite au 16e siècle dont de fausses croisées subsistent. Un plan terrier des années 1770 montre une maison en « Z » et non en « U » comme sur le plan cadastral de 1843.
Pourtant, le niveau de soubassement et le traitement de la travée centrale de la façade principale indiqueraient une construction du milieu du 18e siècle. En effet, hormis le fronton, la porte d’entrée cintrée à clés passantes (que l’on retrouve 7, rue des Faures à Bordeaux), gorge et cordon ainsi que les pilastres à bossage rappellent la mise en œuvre de Bacalan.
Château d’Arche
Le château d’Arche est une des demeures construites au cœur du bourg. C’est un corps de bâtiment principal perpendiculaire à la route, dont la façade à travées ordonnancées donne sur une cour et un jardin. Là encore, des éléments architecturaux se répètent : porte à gorge, arcs segmentaires, pilastres à bossages.
La famille d’Arche ou Darche, La famille d’Arche, propriétaire depuis les années 1720, semble être à l’origine d’une grande partie de l’édifice même si de nombreuses modifications sont opérées au siècle suivant.
La seconde moitié du 19e siècle est le moment des crises viticoles liées aux maladies qui frappent tous les vignobles de France à partir des années 1860 (oïdium, phylloxéra). Pourtant, dans le Médoc et à Ludon en particulier, c’est le moment où de nombreux propriétaires font le choix d’investir dans la vigne. L’enquête a recensé une dizaine d’édifices de ce type. L’enquête a recensé une dizaine de domaines de ce type.
Les plus importants sont ceux de l’Ermitage, Pachan, Lacombe ou encore Morange. À chaque fois, un château du 19e siècle prend la place d’anciens bâtiments, voire d’anciennes demeures nobles (l’Ermitage), mais la clé demeure incontestablement la partie viticole. Par exemple, au Despartins (Port-Ludon), les investissements ne vont pas dans l’amélioration de la demeure des 16e-18e siècles mais dans la construction ex nihilo d’un cuvier et de deux chais. Comme l’indiquent les éditions du Cocks et Féret dans les années 1890, les palus de Ludon fournissent des volumes moyens en tonneaux impressionnants :
400 tonneaux à Pachan
200 à Port-Ludon
200 à Lacombe
180 à Morange
120 à l’Ermitage
90 à Gilet (Orange).
Cette production intense nécessite des bâtiments adaptés. Les chais et cuviers se retrouvent dans les mêmes espaces, dans des dimensions considérables, soit accolés (l’Ermitage, Pachan, Château-Ludon) soit en T ou en L (Port-Ludon, Morange). Cela entraîne le rapprochement des bâtiments pour loger un abondant personnel (ouvriers, contremaître) et abriter les animaux (étables à vaches et à chevaux).
La vigne en palus décline rapidement jusqu’à la seconde guerre mondiale, où il n’est plus question de vin facile, mais de terres à nourrir…
Ludon entreprend dès la première moitié du 19e siècle la construction de la mairie-écoles mais c’est véritablement durant la seconde moitié que des changements importants interviennent. La municipalité décide d’édifier en 1875 une nouvelle salle d’école (surélevée en 1902) attenante à la mairie puis, en 1879, une nouvelle école de filles (actuelle école maternelle) par l’architecte bordelais Charles Berger. Ces réalisations se font parallèlement aux réalignements de la grande rue et aux reconstructions de plusieurs façades.
Le cimetière est déplacé de l’église à l’ouest de la commune en 1852, puis subit une série d’agrandissements au 20e siècle.
Le monument aux morts est commandé par l’équipe municipale au sculpteur girondin Edmond Chrétien. Il livre, en 1923, un soldat lanceur de grenade. Fait rare, l’artiste fait don à la commune et aux ludonais d’une réplique miniature en plâtre, aujourd’hui visible dans le bas-côté sud de l’église.
Outre les châteaux ou le bourg, un patrimoine vernaculaire important a été recensé (près de 90 édifices), du moulin à la petite maison paysanne.
Ce patrimoine, que l’on peut qualifier de rural, est particulièrement présent dans les hameaux. Certaines maisons sont au centre d’exploitations agricoles modestes dont les bâtiments de dépendances -en pierre ou en bois- subsistent.
C’est le cas dans les hameaux de La Taste, du Poulet ou encore de Paloumey. Si ces constructions témoignent d’une activité autour de la polyculture, beaucoup de ces fermes sont aujourd’hui menacées.
Dans le centre du village, la grande rue, vecteur de dynamisme, a engendré de nombreuses reconstructions. Plusieurs façades font l’objet d’un soin particulier (3, 14, 16, 35, 51, rue du Général de Gaulle).
Deux moulins ont également été recensés, tous deux sur d’anciens emplacements. Le moulin à vent de La Lagune est déjà indiqué sur les cartes anciennes au 18e siècle. Le moulin à eau du Poulet est lui nommé dans des actes de la fin du Moyen Âge et tout au long de l’époque moderne ; ses meules ont cessé de fonctionner à la fin des années 1960.
L’enquête d’inventaire a également permis de signaler de nombreux puits, des parcs remarquables voire quelques constructions contemporaines.
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